Nombres d’idées reçues sont véhiculée sur les enfants, sur ce qu’ils sont et comment on devrait les élever. D’une façon ou d’une autre, ces croyances sont devenues une opinion communément admise de notre société. On accuse les parents d’être tout à la fois laxistes et trop protecteurs, incapables de poser des limites et effrayés par l’idée que leurs enfants puissent échouer.
On dit des jeunes qu’ils sont narcissiques, qu’ils se croient tout permis entre autres descriptions peu flatteuses. Dans Le mythe de l’enfant gâté, Alfie Kohn démonte méthodiquement ces croyances ; il ne se contente pas de remettre en cause les affirmations factuellement erronées, il dévoile aussi l’idéologie dérangeante sous-jacente. De récentes recherches révèlent que la parentalité hélicoptère est plutôt rare, et que lorsqu elle existe, elle fait étonnamment plus de bien que de mal. Kohn fait valoir que la plus grande menace qui pèse sur le développement d’un enfant, c’est un style parental trop contrôlant, et non trop indulgent.
Sur le même ton vivant et anticonformiste que dans son précédent livre traduit en français Aimer nos enfants inconditionnellement, Kohn s’appuie sur un grand nombre de données scientifiques et sociologiques – tout autant que sur l’humour et la logique – pour questionner les affirmations qui surgissent dans la presse grand public américaine avec une régularité de métronome : les jeunes ont la grosse tête ; ils reçoivent des récompenses, des compliments et des bonnes notes beaucoup trop facilement ; davantage d’autodiscipline ne leur ferait pas de mal, et il faudrait qu ils en bavent un peu plus.
Ces croyances conservatrices sont souvent acceptées sans broncher, y compris par des gens dont les opinions politiques sont plutôt progressistes. Dans la culture française, quoiqu’un peu différente de la culture américaine, on entend de similaires antiennes : « on n’a rien sans rien », « on n’a que ce qu’on mérite », « si tu crois que ça va te tomber tout cuit dans le bec », « dans la vie, il faut toujours un perdant », bref, cette idée qu’il ne faudrait pas que la vie des enfants soit trop facile est tout aussi prégnante et délétère.
Repli sur soi et peur de l’autre, accroissement vertigineux des inégalités, changement climatique et autres bouleversements sociétaux : ce livre tombe à pic, car il est grand temps de changer notre regard sur les jeunes si on veut qu’ils deviennent des adultes capables de relever les énormes défis qui les attendent.